Remerciements

Nous tenons à remercier Bernadette Caffier pour toute l'aide qu'elle nous a apportée pendant notre voyage ainsi que toutes les personnes que nous avons eu la chance de rencontrer en Argentine. 

12 août : Dernières rencontres

   Lors de notre dernière journée où nous restons à Ibarreta, le groupe se sépare en deux afin d’aller rendre visite à deux entrepreneurs pour lesquels le microcrédit a été une grande réussite. 

   Irénée et sa fille Daniela ont bénéficié d’un premier prêt (600 pesos) il y a 5 ans, afin de s’acheter un four écologique et de construire la pièce leur permettant de préparer les produits de la boulangerie. Un second prêt de 1200 pesos leur a permis de carreler cette pièce afin d’améliorer les conditions d’hygiène de leur activité. Cette affaire est un véritable succès, puisqu’avec les bénéfices de leurs ventes, elles ont entrepris la construction d’un salon de thé et elles envisagent l’agrandissement  de leur espace de travail. Même si un microcrédit accélèrerait leur développement, elles préfèrent d’une part laisser la priorité à d’autres personnes plus dans le besoin, et d’autre part essayer de s’en sortir par elles-mêmes. Leur réussite tient entre autres à leur patience, puisque leur affaire s’est construite par petites avancées sur une durée assez longue : 5 ans. L’entretien se conclut sur plusieurs remarques de leur part : le taux d’intérêt de 25% ne les dérange pas tant que l’argent est réinvesti dans le réseau et qu’il n’enrichit pas les coordinateurs, et elles ont eu dès le début confiance dans les prêts puisqu’elles ont découvert le réseau de Bernadette par l’Eglise.

Daniela nous présente ses projets d'agrandissement

Daniela nous présente son four "écologique"
   
   Nous rencontrons également  un couple qui a bénéficié d’un microcrédit il y a quelques années et dont le commerce tourne bien. Leur activité consiste en la préparation de plats cuisinés, notamment à partir de produits qu’ils font pousser dans leur grand jardin potager et leur verger, pour la vente à des clients réguliers (en quelque sorte abonnés) et à des voyageurs. Même s’ils connaissent bien leur métier qu’ils exercent depuis maintenant 15 ans, c’est le microprêt qui leur a permis de développer véritablement leur affaire. Actuellement, ils ont 3 enfants à l’université dont les études sont payées par leurs bénéfices. Nous avons ici un bon exemple de microcrédit « familial » (les deux parents en ont bénéficié conjointement, et c’est toute la situation de la famille qui a pu être améliorée). « Nous vivons dans un pays en développement » nous expliquent-ils, « et nous nous sentons prêts à assumer ce développement. Beaucoup d’argentins vivent d’aides de l’état et les considèrent comme un dû ; la culture du travail s’est un peu perdue depuis quelques années. Mais ce n’est qu’en faisant preuve d’initiative, de dynamisme et de responsabilité que nous parviendrons à améliorer notre situation, comme nous avons personnellement amélioré celle de notre famille. »
   
Le verger


   Ces deux exemples de réussites professionnelles concluent notre expérience dans la province de Formosa. Dans ces cas comme dans beaucoup d’autres, le microcrédit a permis d’enclencher une dynamique positive pour le développement d’une activité ; le potentiel des microentrepreneurs et leur volonté de devenir complètement indépendants  sont les autres ingrédients indispensables au succès des projets financés. 

11 août : Discussions avec des emprunteurs

   Nous commençons par nous rendre à Campo, un petit village à 30km à l'ouest de Ibarretta où nous résidons. Nous y rencontrons Marguerita qui tient un petit magasin. Elle y vend boissons, sucreries ainsi que des journaux et des magazines qu'elle achète à Formosa. Nous sommes impressionnés par la propreté du magasin ainsi que par la diversité de ce qui y est vendu, deux caractéristiques peu communes des magasins de la région. Marguerita nous explique qu'elle a commencé par vendre quelques journaux, après avoir reçu de Bernadette un microcrédit qui lui a permis de s'acheter un présentoir. Depuis, à l'aide d'un renouvellement de son microcrédit et grâce aux bénéfices dégagés par ses ventes de journaux, elle a pu développer son affaire (changement de locaux, diversification de sa marchandise, …).  Bernadette nous explique que la réussite du projet de Marguerita, qu'elle présente comme un véritable exemple, est le fruit de beaucoup de sacrifices et de travail. Marguerita précise qu'elle travaille tous les jours, qu'il fasse beau ou qu'il pleuve. Nous sommes surpris car la culture du travail n'existe pas vraiment ici. Interrogée sur la possible jalousie des autres membres du groupe de microcrédit auquel elle appartient, Marguerita explique qu'elle préfère se voir comme un exemple et une source de motivation. 

Marguerita est fière de son magasin


   Irénée, également membre du groupe, a acheté, grâce au microcrédit,  des chèvres et des cochons (seuls les grands propriétaires possèdent des bœufs), vendus ensuite dans la boucherie de son mari. Cette activité lui a semblée plus viable dans la mesure où son projet initial – vente de draps – s’exposait à une trop grande concurrence locale. Nous assistons ensuite à la formation dispensée par la comptable sur le thème "Comment régulariser son activité ?", identique à celle que nous avons pu suivre la veille à Palo Santo, 

Fin de l'atelier comptabilité à Campo


   En début d'après-midi, nous nous rendons à Tigre, un tout petit village, 30km à l'ouest de Campo. Plusieurs nouvelles maisons fleurissent dans le village secoué par la tornade qui a frappé le village l’année dernière. Silvina, âgée d’une trentaine d’années et vivant avec ses deux filles et sa nièce nous reçoit autour d’un déjeuner local. Après cela débute la réunion du groupe de Tigre chez Anita, qui reçoit chaque fois le groupe, composé de 5 femmes, depuis bientôt 4 ans. Silvina démarre la rencontre en contant son expérience : elle s’est familiarisée avec le microcrédit autour de rassemblements paroissiaux, et elle a très rapidement été enthousiasmée par l’idée de pouvoir développer une économie solidaire, puisqu’elle est exclue de celle régie par « ceux qui ont de l’argent ». Afin de construire un projet viable, elle a commencé par assister aux réunions une année entière, puis a obtenu un premier microcrédit, lui permettant de préparer des mets locaux qu’elle revend ensuite. Aujourd’hui, parallèlement à son activité, elle s’est replongée dans des études de biologie pour devenir professeur. 







   Nous rencontrons ensuite Laëtitia, qui a utilisé le microcrédit pour s’acheter un freezer, qu’elle rembourse actuellement en vendant des empanadas et des pastillitas. A son tour, elle souligne une idée évoquée par plusieurs autres emprunteurs : le microcrédit lui a appris à devenir autonome, plus responsable, et à prendre des initiatives. Teresa, quant à elle a bénéficié de deux microcrédits consécutifs visant à lancer puis développer la boucherie qu’elle tient avec son fils. Ces microcrédits ont ainsi une utilité productive, puisqu’ils leur ont initialement permis d’acheter des bêtes, et commerciale puisqu’ils les revendent sous forme de plats préparés.  Sarah fait vivre cinq personnes grâce aux bénéfices qu’elle tire de sa petite activité de vente de confiseries tous les jours de 7h à 15h devant l’école de son quartier. Bernadette souligne que ce microcrédit lui a notamment permis de rendre son existence plus positive, assombrie suite au décès brutal de son jeune fils quelques années auparavant. Au cours de la discussion, nous interrogeons les emprunteuses sur les différences pouvant exister entre le microcrédit du réseau de Bernadette et de « Banquito » : dans cette dernière institution, les crédits devant être remboursés sur une période de 4 à 6 mois, bien souvent l’activité financée ne peut se développer assez vite pour rembourser les mensualités élevées. Pour Sarah, par exemple, ce crédit n’a été d’aucune utilité. 

Tigre est un des villages les plus pauvres de la région


   En fin de journée, nous allons visiter la coopérative de textile de Tigre, fruit d’un microcrédit atypique. Son lancement nécessitait le financement de son statut juridique (frais de dossier), sans lequel la coopérative ne pouvait démarrer sa production. Le réseau de Bernadette a donc accordé un microcrédit dans ce but, la coopérative ayant un fort potentiel de développement. En effet, de nouvelles couturières, après y avoir été formées, ont aujourd’hui rejoint la coopérative, qui développe de nombreux partenariats dans la région de Formosa. 

Discussion à la coopérative textile de Tigre

10 août : De nouveaux microcrédits

   Nous arrivons aujourd'hui à Palo Santo, une petite ville de l'intérieur de la province, à 130 km de Formosa. Nous y retrouvons un groupe de cinq femmes ainsi qu'une comptable embauchée par Bernadette. Nous commençons par faire connaissance autour d'un déjeuner partagé dans la paroisse du village. Chacune nous présente son histoire au sein du réseau et les différents projets qu'elle a entrepris. S'ensuit l'atelier de la comptable qui insiste sur deux points centraux : les outils simples pour accéder à la légalité, et la nécessité de tenir un livre de comptes pour leur projet. Elle évoque notamment le MonoTributo Social, un statut particulier pour les entrepreneurs "vulnérables" dont les revenus ne dépassent pas 2000 pesos par mois, qui leur permet d'accéder à des prestations sociales (retraite, allocations…) en échange d'une contribution sociale a minima (60 pesos/mois pour l'état et 35 pesos/mois pour la province). Cette cotisation n'est pas suffisante pour financer les prestations sociales, mais l'état subventionne ce statut pour aider ces entrepreneurs à sortir de la vulnérabilité et à légaliser leur activité, ce qui leur permet essentiellement de pouvoir grandir et d'émettre des factures légales. Elle explique dans un deuxième temps la nécessité pour les entrepreneurs de tenir une comptabilité simple et distincte des comptes du foyer pour savoir si leur projet est viable économiquement, c'est à dire s'il leur permet effectivement de dégager des bénéfices. En effet, biens souvent, les entrepreneurs n'ont pas une idée bien arrêtée des bénéfices qu'ils réalisent, parce qu'ils ne notent souvent rien, et qu'ils mélangent leur argent personnel et celui lié à leur activité. Ainsi, dans l'idéal, une fois un bénéfice dégagé, l'entrepreneur devrait pouvoir rembourser sa mensualité, investir pour développer son activité et se dégager un salaire pour pouvoir éventuellement épargner et ainsi pouvoir faire face à une urgence. Bernadette et la comptable font également la promotion de l'épargne volontaire, ce qui ne semble pas être un comportement spontané chez les Argentins.

Réunion animée par la comptable (de dos au premier plan)


   Nous nous séparons ensuite en deux groupes, l'un suit Monica et sa sœur chez elles, tandis que l'autre se rend avec Bernadette chez Audelina. Monica semble plutôt bien installée, elle et sa sœur, Myriam, sont voisines, et leurs maris travaillent dans la menuiserie qui jouxte les maisons. Monica s'est lancée dans l'activité de papeterie (fournitures scolaires, photocopies et sucreries), et prévoit à terme de construire une boutique distincte de sa maison pour pouvoir regagner la place occupée par son magasin et également se rapprocher de la rue. Elle s'est également mise à étudier les mathématiques depuis un an, avec l'objectif de devenir professeur de lycée. L'université étant située à 40 km de Palo Santo, le coût croissant des transports puise dans ses bénéfices et l'empêche ainsi de développer son activité. Elle souhaite obtenir un nouveau prêt pour reconstituer son stock dans l'idée de louer un logement plus près de l'université avec les bénéfices, étant donné que l'activité de son mari s'est stabilisée (fabrication de meubles) depuis quelques mois. Nous acceptons de lui accorder le prêt qu'elle demande (1500 pesos) et elle accepte par ailleurs de devenir l'intermédiaire local de Microcosm'A, étant donné qu'elle est équipée d'internet.           

Signature des papiers du microcrédit de Monica

Après la remise du microcrédit à Monica


   Une partie du groupe se rend chez Audelina pour étudier son projet. A notre arrivée, nous constatons que ses conditions actuelles de vie et de travail sont extrêmement difficiles. Elle souhaite ajouter une pièce à sa maison, consacrée à la vente de ses produits (pain, gâteaux, poulets cuisinés…). Jusqu'à présent, elle se déplaçait à vélo pour rencontrer ses clients. Avec l'âge, il lui est de plus en plus difficile de continuer ainsi. Elle a intégré l'association il y a 3 ans et a déjà reçu deux prêts qu'elle a remboursés dans les délais : un premier prêt pour financer un four à pain, et un deuxième pour réparer le toit de sa maison, également son lieu de travail, qui laissait entrer la pluie. Actuellement, elle a besoin de quatre tôles pour le toit de sa nouvelle pièce, de poutres en bois, de briques, de ciment, de sable, de chaux et de clous. Nous calculons avec elle la somme dont elle a besoin : sans les briques le montant s'élève à 1300 pesos, et avec à 1800. Ce dernier montant entrainerait une mensualité de presque 200 pesos, trop importante étant donné son niveau de précarité. Nous convenons donc de lui prêter 1500 pesos, afin qu'elle puisse construire le toit et qu'elle ait déjà une avance pour le reste de la construction.

Rédaction du projet d'Audelina

Remise de l'argent à Audelina


Nous nous rendons ensuite chez Myriam qui a actuellement plusieurs activités : elle se consacre en partie à ses plantes qu'elle fait pousser et qu'elle revend (herbes pour la cuisine, fleurs décoratives, …) mais aussi à ses études pour devenir institutrice. Il y a quelques mois elle a fini de rembourser son prêt précédent (il lui avait permis de construire un grand potager en très bon état pendant plusieurs mois, puis laissé à l'abandon à la naissance de son enfant). Actuellement, son jardin n'est pas clôturé et les animaux voisins (chiens, poules, chevaux) détruisent en partie le fruit de son travail. Elle souhaite donc investir dans une clôture et dans des étagères lui permettant de mettre en valeur ses produits. Etant donné l'inflation sur les matières premières telles que le bois il devient urgent qu'elle achète le nécessaire pour sa clôture. N'ayant pas les quantités exactes de tout ce dont elle a besoin, nous lui concédons la première partie du prêt, soit 600 pesos (pour l'achat du bois). Elle s'engage à amener lors de la prochaine réunion en septembre les détails de ses besoins afin d'obtenir la deuxième partie. 

Visite du jardin de Myriam

Signature des papiers du microcrédit de Myriam



9 août : Premier prêt

   Après avoir commencé la préparation du projet écrit pour Juan Manuel Paz d'Hacienda Camino, nous nous rendons chez Bernadette pour une réunion importante : il s'agit de rencontrer un groupe de sept femmes de son quartier dont une actuellement en demande de prêt. Avant leur arrivée, nous discutons avec Bernadette de l'évolution de son association au cours des dix dernières années et du potentiel de notre projet. D'ici un an, le remboursement d'un prêt d'une fondation belge accordé en 2000 doit être achevé. Le montant total de ce prêt a pu être réinvesti une dizaine de fois pour divers microcrédits, et l'association s'est créé un capital d'environ 10000 euros parallèlement à l'amélioration du niveau de vie des familles concernées. Ce capital est en permanence en circulation grâce aux prêts, et jusqu'à maintenant un compte bancaire pour l'association n'était pas nécessaire. Nous discutons ensuite de l'organisation de notre partenariat avec Bernadette : nous convenons qu'elle nous fera parvenir dans l'année les comptes et des nouvelles de l'avancement des projets que nous financerons. Il nous sera également possible de passer par l'intermédiaire d’un membre d'un groupe (ayant accès à internet) pour poser des questions sur les difficultés et/ou réussites économiques des emprunteurs. Nous prévoyons également de leur envoyer un courrier à la fin du remboursement pour donner un caractère solennel à l'achèvement du projet. Cette discussion avec notre contact est aussi l'occasion pour nous d'en apprendre plus sur certains détails pratiques : ainsi Bernadette nous explique qu'en cas de défaut de paiement, et généralement au bout de deux mensualités non versées elle se rend au domicile de l'emprunteur. Il est rare que celui-ci ne soit pas honnête (sur 220 personnes, seules 2 ou 3 n'ont pas payé par mauvaise volonté) ; un non remboursement est souvent dû à des difficultés financières, familiales, ou de santé. Cependant pour les cas litigieux, le "pagaré" signé par l'emprunteur au moment du prêt est une preuve d'engagement valable devant la Justice. 

   Nous interrogeons ensuite Bernadette sur les microcrédits octroyés par le gouvernement : ce sont des prêts à des groupes solidaires avec un taux d'intérêt de 6% et très faciles à obtenir. Avec un tel taux d'intérêt et compte tenu de l'inflation dans le pays (plus proche de 30%), ils ne sont pas viables économiquement parlant. Le principe du microcrédit (qui est de réinvestir l'argent remboursé dans de nouveaux projets) n'est pas et ne peut pas être respecté ainsi ; il s'agit plutôt d'assistanat déguisé. Bernadette a également mis en place depuis peu un système de microépargne volontaire, encore assez peu accepté dans ces régions pauvres.

Réunion des emprunteuses

   Arrive ensuite le groupe que nous devons rencontrer. Chacune des membres nous décrit son activité et son engagement dans l'association. Gladys en fait partie depuis 5 ans et a déjà bénéficié de trois microprêts : le premier d'entre eux lui a permis de lancer un commerce de location de DVD (cette entreprise a malheureusement échoué, ses clients ne lui rendant pas ses biens) ; grâce au deuxième et au troisième, elle a pu installer une petite librairie-papeterie très rentable. Nilda, sa sœur, a intégré l'association il y a un an. Elle participe aux formations mais n'a pas encore bénéficié de prêt. Elle a monté un projet il y a quelques mois et est en attente pour en recevoir un. Son projet a cependant dû être amélioré : elle prévoyait initialement de construire un atelier chez elle alors qu'elle est victime de violence conjugale. Bernadette lui a donc conseillé d'organiser un projet qui lui permettrait de travailler en partie chez sa sœur et ainsi de ne pas être entièrement dépendante de son mari au cas où sa situation empirerait. Elle a donc décidé d'investir dans une machine à coudre, la couture étant une activité qui lui plaît et encore peu développée dans son quartier malgré une forte demande. Roxanna quant à elle fait partie de l'association depuis 3 ans et a reçu un crédit il y a un an pour développer une activité de vente de fruits et légumes. Elle n'a malheureusement pas été soutenue par sa famille et ne peut actuellement pas terminer son remboursement. Elle cherche donc une activité plus rentable pour améliorer sa situation. Mabel réalise des sacs et des objets de petite maroquinerie avec sa fille et aura terminé de rembourser son deuxième crédit d'ici un mois. Pour elle, les formations sont une aide à la fois émotionnelle et matérielle. Elle ajoute que son rêve serait d'avoir son propre atelier de confection, les conditions de travail actuelles étant très problématiques. Vincenta n'a pas de crédit en cours mais continue d'assister aux réunions. Juanita quant à elle a de graves problèmes personnels et ne vient pas toujours. Enfin, Sumi est dans l'association depuis deux ans. Depuis quelques mois elle était confrontée à des difficultés de remboursement mais elle a récemment débloqué sa situation financière. Elle fait aussi partie de l'école de formateurs (Bernadette envisage, à termes, de laisser la gestion de l'association civile à ses membres) et a décidé avec les autres responsables lors de l'assemblée annuelle d'augmenter le taux d'intérêt des microcrédits pour pallier l'inflation, malgré ses difficultés financières, preuve qu'il n'y avait dans son cas pas de conflit d'intérêt. Toutes ces femmes semblent très impliquées dans leur groupe. Dans le cas où l'une des membres ne peut pas rembourser, il est évident qu'une autre n'a pas les moyens de payer pour elle. En revanche, elles se rendent visite, discutent de leurs activités et difficultés, ce qui a un effet positif sur l'ensemble.

Signature des papiers avec Nilda

   A la suite de ces présentations, nous posons quelques questions précises à Nilda sur son projet en vue de lui financer. Elle nous donne alors les prix qu'elle a pu obtenir pour deux machines à coudre différentes. Nous discutons de leurs avantages respectifs, des garanties qu'elle peut obtenir, de son nombre de clients potentiels (elle a déjà plusieurs commandes). Nous acceptons finalement de lui prêter la somme nécessaire à ses achats. Immédiatement après, Bernadette lui demande à quoi elle s'engage en terme de travail afin que son activité soit rentable : Nilda répond qu'elle prévoit de travailler 6 jours par semaine, 5 ou 6 heures par jour, avec un gain journalier d'environ 50 pesos. Après le départ des autres membres du groupe, nous signons le contrat pour un prêt de 1400 pesos avec un taux d'intérêt de 25% sur un an, ce qui représente pour Nilda un versement mensuel de 146 pesos (soit trois jours de travail par mois pour le remboursement du microprêt). Elle signe alors trois exemplaires du contrat et s'engage à nous informer sur l'évolution de son activité.

Nilda

8 août : Premières négociations

   Nous commençons la semaine par une longue discussion avec notre contact, Bernadette. Nous revenons tout d'abord sur les démarches que doit entreprendre chaque demandeur de microcrédit. En effet, avant d'obtenir un premier prêt, un demandeur doit suivre au minimum trois mois de formation, ce qui lui permet de rédiger et de faire murir son projet (estimation du rythme de production et du nombre d'acheteurs). Cela permet notamment d'éviter le financement de projets trop risqués car non aboutis. Bernadette nous cite l'exemple de plusieurs projets de jardins potagers qui, pour cause de sécheresse, ont échoué. Grâce à cette méthode, Bernadette a pu construire un réseau solide de 50 personnes réparties en 8 groupes (seulement deux personnes ne remboursent pas). Concernant le taux d'intérêt solidaire, il est fixe et s'élève aujourd'hui à 25%. Bernadette nous précise que, auparavant, ce taux diminuait à chaque renouvellement de crédit, mais que, en raison de l'inflation à 30% depuis 18 mois, elle a dû y renoncer. Ce taux d'intérêt permet de couvrir les différents frais liés à son activité (trajets, photocopie, défaut de paiement). Pour ce qui est du fonctionnement des groupes, nous apprenons que Bernadette ne finance pas plusieurs projets similaires au sein d'un même groupe afin d'éviter toute concurrence. Par ailleurs, les membres du groupe ne savent pas nécessairement le montant des prêts accordés aux autres, notamment parce que les demandeurs sont souvent réticents à donner le montant de leur demande en public. Bernadette nous explique ensuite qu'une des raisons pour laquelle elle reçoit essentiellement des demandes de femmes est que le microcrédit leur permet d'avoir une activité tout en restant chez elle, ce qui leur permet de continuer à s'occuper de leurs enfants. Nous constatons que le salaire minimum à Formosa est de 1500$AR alors que le coût de la vie s'élève à 2500$AR. Par conséquent une grande majorité de la population de la province (la totalité des demandeurs) vit sous le seuil de pauvreté. Le microcrédit permet ainsi d'améliorer la qualité et de ne plus avoir l'angoisse de ne pas avoir à manger. Bernadette évoque alors l'école de formateurs qu'elle a mise en place. Celle-ci permet de former plusieurs personnes (9 volontaires parmi les groupes) qui pourront par la suite assurer les formations à la place de Bernadette. Ces personnes se voient une fois par mois. Concernant le statut de l' association, nous apprenons qu'il préférable de l'inscrire au niveau national plutôt qu'au niveau provincial afin d'éviter toute influence politique. Nous terminons cette discussion en évoquant le suivi des projets : Bernadette se rend trois fois par an chez chaque demandeur, et les rencontre une fois par mois à l'occasion des formations. 

Discussion avec Bernadette Caffier

   Nous nous rendons après le déjeuner chez Carmen Corvalan, qui est entrée dans le réseau il y a 7 ans. Elle demande aujourd'hui un nouveau crédit d'un montant total d'environ 1000$AR destiné à financer l'achat de la laine qui lui est nécessaire à réaliser quatre grands châles, quatre bonnets et quatre écharpes. Bernadette nous propose d'étudier son projet et d'éventuellement choisir de le financer. Carmen a d'ores et déjà mis par écrit sa demande.


Projet de Carmen Corvalan

   Néanmoins nous sommes étonnés par les chiffres qu'elle avance. Après discussion, nous sommes plutôt réticent à l'idée de financer son projet car malgré ses dires nous pensons qu'il lui sera impossible de vendre ses travaux sans perdre d'argent. Bernadette nous rejoint alors afin de faire le point avec Carmen. Elle lui explique avec autorité que nous refusons de financer son projet car d'autres demandeurs, plus dans le besoin, sont prioritaires. Nous constatons qu'il est important de savoir faire preuve de fermeté et de ne pas céder face aux demandes insistantes. Après cette discussion, les voisines de Carmen, membres du même groupe, nous présentent leurs travaux. 

Négociations avec Carmen Corvalan

Discussion avec un autre membre du groupe