9 août : Premier prêt

   Après avoir commencé la préparation du projet écrit pour Juan Manuel Paz d'Hacienda Camino, nous nous rendons chez Bernadette pour une réunion importante : il s'agit de rencontrer un groupe de sept femmes de son quartier dont une actuellement en demande de prêt. Avant leur arrivée, nous discutons avec Bernadette de l'évolution de son association au cours des dix dernières années et du potentiel de notre projet. D'ici un an, le remboursement d'un prêt d'une fondation belge accordé en 2000 doit être achevé. Le montant total de ce prêt a pu être réinvesti une dizaine de fois pour divers microcrédits, et l'association s'est créé un capital d'environ 10000 euros parallèlement à l'amélioration du niveau de vie des familles concernées. Ce capital est en permanence en circulation grâce aux prêts, et jusqu'à maintenant un compte bancaire pour l'association n'était pas nécessaire. Nous discutons ensuite de l'organisation de notre partenariat avec Bernadette : nous convenons qu'elle nous fera parvenir dans l'année les comptes et des nouvelles de l'avancement des projets que nous financerons. Il nous sera également possible de passer par l'intermédiaire d’un membre d'un groupe (ayant accès à internet) pour poser des questions sur les difficultés et/ou réussites économiques des emprunteurs. Nous prévoyons également de leur envoyer un courrier à la fin du remboursement pour donner un caractère solennel à l'achèvement du projet. Cette discussion avec notre contact est aussi l'occasion pour nous d'en apprendre plus sur certains détails pratiques : ainsi Bernadette nous explique qu'en cas de défaut de paiement, et généralement au bout de deux mensualités non versées elle se rend au domicile de l'emprunteur. Il est rare que celui-ci ne soit pas honnête (sur 220 personnes, seules 2 ou 3 n'ont pas payé par mauvaise volonté) ; un non remboursement est souvent dû à des difficultés financières, familiales, ou de santé. Cependant pour les cas litigieux, le "pagaré" signé par l'emprunteur au moment du prêt est une preuve d'engagement valable devant la Justice. 

   Nous interrogeons ensuite Bernadette sur les microcrédits octroyés par le gouvernement : ce sont des prêts à des groupes solidaires avec un taux d'intérêt de 6% et très faciles à obtenir. Avec un tel taux d'intérêt et compte tenu de l'inflation dans le pays (plus proche de 30%), ils ne sont pas viables économiquement parlant. Le principe du microcrédit (qui est de réinvestir l'argent remboursé dans de nouveaux projets) n'est pas et ne peut pas être respecté ainsi ; il s'agit plutôt d'assistanat déguisé. Bernadette a également mis en place depuis peu un système de microépargne volontaire, encore assez peu accepté dans ces régions pauvres.

Réunion des emprunteuses

   Arrive ensuite le groupe que nous devons rencontrer. Chacune des membres nous décrit son activité et son engagement dans l'association. Gladys en fait partie depuis 5 ans et a déjà bénéficié de trois microprêts : le premier d'entre eux lui a permis de lancer un commerce de location de DVD (cette entreprise a malheureusement échoué, ses clients ne lui rendant pas ses biens) ; grâce au deuxième et au troisième, elle a pu installer une petite librairie-papeterie très rentable. Nilda, sa sœur, a intégré l'association il y a un an. Elle participe aux formations mais n'a pas encore bénéficié de prêt. Elle a monté un projet il y a quelques mois et est en attente pour en recevoir un. Son projet a cependant dû être amélioré : elle prévoyait initialement de construire un atelier chez elle alors qu'elle est victime de violence conjugale. Bernadette lui a donc conseillé d'organiser un projet qui lui permettrait de travailler en partie chez sa sœur et ainsi de ne pas être entièrement dépendante de son mari au cas où sa situation empirerait. Elle a donc décidé d'investir dans une machine à coudre, la couture étant une activité qui lui plaît et encore peu développée dans son quartier malgré une forte demande. Roxanna quant à elle fait partie de l'association depuis 3 ans et a reçu un crédit il y a un an pour développer une activité de vente de fruits et légumes. Elle n'a malheureusement pas été soutenue par sa famille et ne peut actuellement pas terminer son remboursement. Elle cherche donc une activité plus rentable pour améliorer sa situation. Mabel réalise des sacs et des objets de petite maroquinerie avec sa fille et aura terminé de rembourser son deuxième crédit d'ici un mois. Pour elle, les formations sont une aide à la fois émotionnelle et matérielle. Elle ajoute que son rêve serait d'avoir son propre atelier de confection, les conditions de travail actuelles étant très problématiques. Vincenta n'a pas de crédit en cours mais continue d'assister aux réunions. Juanita quant à elle a de graves problèmes personnels et ne vient pas toujours. Enfin, Sumi est dans l'association depuis deux ans. Depuis quelques mois elle était confrontée à des difficultés de remboursement mais elle a récemment débloqué sa situation financière. Elle fait aussi partie de l'école de formateurs (Bernadette envisage, à termes, de laisser la gestion de l'association civile à ses membres) et a décidé avec les autres responsables lors de l'assemblée annuelle d'augmenter le taux d'intérêt des microcrédits pour pallier l'inflation, malgré ses difficultés financières, preuve qu'il n'y avait dans son cas pas de conflit d'intérêt. Toutes ces femmes semblent très impliquées dans leur groupe. Dans le cas où l'une des membres ne peut pas rembourser, il est évident qu'une autre n'a pas les moyens de payer pour elle. En revanche, elles se rendent visite, discutent de leurs activités et difficultés, ce qui a un effet positif sur l'ensemble.

Signature des papiers avec Nilda

   A la suite de ces présentations, nous posons quelques questions précises à Nilda sur son projet en vue de lui financer. Elle nous donne alors les prix qu'elle a pu obtenir pour deux machines à coudre différentes. Nous discutons de leurs avantages respectifs, des garanties qu'elle peut obtenir, de son nombre de clients potentiels (elle a déjà plusieurs commandes). Nous acceptons finalement de lui prêter la somme nécessaire à ses achats. Immédiatement après, Bernadette lui demande à quoi elle s'engage en terme de travail afin que son activité soit rentable : Nilda répond qu'elle prévoit de travailler 6 jours par semaine, 5 ou 6 heures par jour, avec un gain journalier d'environ 50 pesos. Après le départ des autres membres du groupe, nous signons le contrat pour un prêt de 1400 pesos avec un taux d'intérêt de 25% sur un an, ce qui représente pour Nilda un versement mensuel de 146 pesos (soit trois jours de travail par mois pour le remboursement du microprêt). Elle signe alors trois exemplaires du contrat et s'engage à nous informer sur l'évolution de son activité.

Nilda

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