5 Août : Premières formations

   Après un périple de près de 15 heures, nous retrouvons Bernadette Caffier, notre contact sur place et responsable d'une association de microcrédit établie depuis plus de 10 ans dans la province. Dès le début d'après-midi, nous assistons à une réunion dans la Fondation "Refuge de la Paix": cette première formation, organisée tous les mois pour chacun des groupes de Bernadette, vise avant tout pour réunir les emprunteurs du groupe, leur dispenser la formation et procéder à la collecte des remboursements de microcrédits en cours. Chacune des quatre femmes, qui avaient déjà bénéficié d'un microcrédit il y a plusieurs années souhaitent aujourd'hui à nouveau en faire la demande. Avant tout, il s'agit pour elles de présenter quantitativement leurs besoins et de penser à la mise en oeuvre de leur activité. Bernadette, absente les deux derniers mois, leur avait demandé de visionner un film argentin retraçant la vie d'un club de football depuis son ascension jusque sa chute. L'objectif de la formation consistait en la réflexion sur un parallèle entre la création de l'association de Bernadette "No podemos fracasar" et la vie de ce club. De leur analyse mise par écrit, devaient ressortir deux conclusions: la nécessité du paiement de la cotisation par tous les membres ainsi que l'influence néfaste de la politique dans le domaine associatif. En effet, l'engagement politique est très marqué à l'approche d'élections, ainsi, un an avant les élections présidentielles pas moins d'un quart des emprunteurs de Bernadette l'ont quittée. 

Discussion avec Bernadette Caffier à la Fondation

   Par ailleurs, chacune des femmes devait rendre à cette étape de la demande, une description de l'activité envisagée (identité, études, situation familiale, revenus éventuels, motivations, besoins matériels). Ces quatre femmes, âgées de 25 à 55 ans, se sont regroupées car elles appartiennent à la même fondation religieuse. 

Josefina, souhaite utiliser son microcrédit pour acheter de la matière première (bois, verre, tissus) afin de confectionner des objets, notamment pour enfants. Alicia quant à elle souhaiterait s'offrir un four électrique afin de préparer puis vendre des plats argentins. Nelly désire vendre des objets de culte et nécessite pour cela une vitrine. Enfin, Ivanna personnalise et décore des vêtements préalablement achetés sur les marchés de Buenos Aires, pour lequel le microcrédit servirait à payer ces aller-retours. Précisons que l'association ne finance pas de revente sans transformation de matière, la marge étant trop faible pour une activité de microcrédit viable.

Centre Juan Pablo II

   Après avoir déposé nos valises au centre municipal Juan Pablo II où nous logeons, nous rejoignons un groupe de cinq femmes dans le centre pour une nouvelle formation. A la différence de la première réunion, la plupart de ces femmes étaient en cours de remboursement du microcrédit. Nous constatons avec étonnement que certaines femmes continuaient à assister aux formations sans même recevoir de nouveaux prêts, désirant seulement profiter d'un lieu convivial pour échanger et se cultiver. Certaines d'entre elles ont souligné l'importance que revêt le microcrédit dans leur développement personnel (estime, confiance en soi) et vis-à-vis de la société.  Mariela, seule avec ses enfants, se consacre à la création de bijoux. Herminia, directrice d'école retraitée et bénéficiant de microcrédits depuis 7 ans, utilise son prêt en cours pour réaliser des objets d'artisanat et accessoires en crochet ou tricot. Carmen, qui ne bénéficie actuellement plus de microcrédit, l'utilisait pour s'acheter du tissu qu'elle cousait puis vendait. Marta, coiffeuse, clôturait aujourd'hui, et en avance le remboursement de son prêt. Enfin, sa voisine, Marta, ancienne femme au foyer, désirait retrouver une activité professionnelle génératrice de revenus au travers du microcrédit. Nous avons été marqués par l'esprit d'entraide, construit dans le temps, qui se dégage du groupe: il y a quelques années, elles ont pris l'initiative de rembourser le microcrédit d'une femme de leur groupe et se font de la publicité pour entretenir leurs commerces respectifs. Elles ont aussi détaillé les différences existant entre les crédits de la province et ceux proposés par Bernadette, qui se veulent plus longs (1 an au lieu de 6 mois), aux remboursements plus étalés (tous les mois au lieu de la quinzaine), suivis (formations mensuelles), et ouverts à tous sans critères de sélection politiques. Alors que certaines femmes renouvelaient leurs crédits sur plusieurs années, d'autres s'étaient constitué un capital de matériel (machine à coudre…) et matières premières (tissus…) leur permettant actuellement de se départir de microcrédits.  Enfin, le récent atelier de comptabilité proposé par la comptable de Bernadette est abordé: retenons que les petits commerçants n'ont pas l'habitude de tenir les comptes d'entrée et sortie d'argent, ce qui empêche toute planification d'activité et toute gestion de stocks. 

Réunion d'emprunteuses
   Ces formations, dispensées sur environ deux heures, sont véritablement l'occasion pour ces femmes d'échanger et de profiter d'une réflexion commune sur leur activité.

Nous dinons dans le centre avec Bernadette qui nous éclaire sur certains points délicats à envisager dans l'attribution des microcrédits: la violence conjugale ou familiale, concernant plus du tiers des emprunteuses les empêchant de travailler chez elles, la prise en compte de la situation familiale (certains microcrédits économiquement rentables mettent en péril l'équilibre familial), la présence occasionnelle d'emprunteurs mandatés par le gouvernement pour leur rapporter l'activité de l'association et enfin le fait que souvent le premier microcrédit est bien remboursé mais qu'il faut souvent faire face à des défauts de remboursements par la suite. 

Réunion

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